Comprendre les VEO, ces violences éducatives ordinaires

Les Violences éducatives ordinaires (VEO) sont un concept qui explique que, sans le savoir ni le vouloir, les adultes font, chaque jour, subir aux jeunes enfants des violences. Le but : faire prendre conscience, sans culpabilisation pour y mettre un terme. Éclaircissements.

En 2019, un texte de loi interdit « gifles, fessées et toutes formes de violences éducatives ordinaires ». Le Parlement a adopté la proposition de loi déjà votée par l’Assemblée nationale, qui proscrit non seulement les violences physiques mais aussi psychologiques dans l’éducation de l’enfant. Le texte inscrit dans le code civil, à l’article lu à la mairie lors d’un mariage et dispose que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Ce message figurera aussi dans le code pénal et en première page de l’ensemble des carnets de santé de nos enfants. En France, l’expression violence éducative ordinaire (VEO) aurait été utilisée pour la première fois par le fondateur de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire Olivier Maurel d’après les travaux d’Alice Miller, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. Mais que sont exactement les violences éducatives ordinaires ?

Les formes de la VEO

Nous avons tous été élevés avec un mélange de punitions, menaces et récompenses. Avec nos enfants, nous reproduisons souvent la façon dont nous avons été éduqués sans remettre en cause cette façon de faire de nos parents. Pour beaucoup d’entre nous, il n’existe pas d’éducation sans coercition et punition : si l’on punit un enfant, c’est pour son bien.

Banalisée et socialement largement tolérée, la violence éducative ordinaire rassemble une violence physique et/ou verbale considérée comme éducative. Elle fait souvent partie intégrante de l’éducation à la maison comme dans tous les lieux de vie que fréquente l’enfant (notamment l’école). Elle est qualifiée d’ordinaire parce qu’elle est quotidienne et considérée comme normale car pratiquée depuis des millénaires dans un objectif pédagogique. Dans un rapport* datant de 2014, l’Unicef rappelle que dans le monde entier et dès leur première année de vie, la majorité des enfants subit des humiliations tant verbales que physiques.

En France, aujourd’hui, on estime que 85 % des enfants subissent quotidiennement une VEO.

Elle se manifeste par des paroles dévalorisantes, humiliantes ou blessantes (comme le simple « Tu es méchant ») associé à du chantage, des menaces, des moqueries, de la culpabilisation et/ou par des gestes brusques ou brutaux. Les enfants sont perçus par la plupart des adultes comme de petits animaux sauvages qu’il faut réussir à dresser. Un dressage constitué par des rapports de force avec contraintes, punitions, menaces et humiliations verbales et physiques. Les ouragans émotionnels des enfants sont difficiles à vivre pour la plupart des adultes : les pleurs, les colères et la dépendance quasi totale de ces derniers peuvent être compliqués à supporter au quotidien. Un enfant qui crie, manifeste sa colère, se roule par terre, détruit des objets, tape ou mord, se voit souvent opposer en réaction l’énervement des adultes.

Un enfant est souvent débordant de vie, il a besoin d’espace, ne tient pas en place, fait « des bêtises ». C’est cette immense vitalité de l’enfant qui bouscule les adultes, mais ne nous y trompons pas, elle masque une grande fragilité. Le jeune enfant va exprimer bruyamment ses émotions ne sera pas raisonnable au sens où l’adulte l’entend. Le parent voudrait que son enfant soit sage, qu’il ne bouge pas dans tous les sens, qu’il obéisse, soit propre, ordonné, qu’il mange ce qu’il a dans son assiette, aille se coucher à l’heure, sans négocier ni râler. En un mot, on espère qu’il ne se comporte pas un enfant !

La peur de voir son enfant se transformer en enfant roi

La peur de voir son enfant prendre le pouvoir ou les manipuler incitent les adultes à utiliser des rapports de force et dès tout-petit le tenir et les corriger très fermement. Cette croyance les conforte dans l’idée de corriger les enfants dès la plus tendre enfance. Selon le principe des anti-VEO, ces étiquettes d’enfant-tyran et d’enfant-roi empêcheraient les adultes (parents, enseignants et professionnels de l’enfance) d’évoluer en matière d’éducation. Elle ne permet pas de comprendre toutes les particularités du fonctionnement de l’enfant : sa fragilité émotionnelle et l’immaturité de son cerveau. Ce manque de connaissance conduit à des réactions inadaptées de l’adulte, inversant les responsabilités plaçant l’enfant en position de bourreau et l’adulte en victime. Or dans la relation adulte-enfant, la place dominante revient à l’adulte tant par sa force physique que par son emprise morale, psychologique et intellectuelle. Cette image de l’enfant tyran, ce danger brandi est un contre-sens car c’est bien l’adulte qui a tous les instruments du pouvoir et qui en use facilement pour soumettre l’enfant et le rendre obéissant. Cette conception de l’enfant-tyran ne peut plus tenir au regard des connaissances actuelles sur l’immaturité, la fragilité et la vulnérabilité du cerveau lors de la petite enfance.

À l’âge adulte, les conséquences se poursuivent : maladies somatiques, hyperactivité, sentiment d’insécurité et de stress…

Les effets négatifs de la VEO

La violence subie apprend à l’enfant à régler les conflits par la violence et les rapports de force. Les châtiments corporels apprennent à l’enfant que l’on peut être frappé parce que l’on est aimé ou que l’on peut frapper parce que l’on aime quelqu’un. Les violences deviennent ainsi la norme, favorisant leur reproduction ultérieure à la fois dans la sphère familiale et au dehors. À l’âge adulte, les conséquences se poursuivent : maladies somatiques, hyperactivité, sentiment d’insécurité et de stress… D’où l’importance de s’interroger sur la façon d’éduquer les enfants et d’essayer de chasser les VEO de nos relations au quotidien.

*  « Cachée sous nos yeux »